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Exposition photo : Richard Avedon dans l’Ouest américain

La Fondation Cartier-Bresson à Paris expose les 110 clichés noir & blanc que Richard Avedon (1923-2004) a réalisés entre 1979 et 1984 dans l’Ouest américain. Avedon est l’un des plus grands photographes du siècle passé : il a fait poser les mannequins les plus célèbres et a travaillé pour les grands couturiers de ce monde ou les magazines de luxe ; il était devenu le photographe attitré des couvertures de Vogue. Ce qui ne l’a pas empêché de soutenir les mouvements pour les droits civiques des Afro-Américains ou bien encore d’élever la voix contre la guerre du Viêt-nam.

À la fin des années 1970, il décide de rendre hommage aux travailleurs et aux travailleuses qui font vivre le capitalisme et part dans l’Ouest à la rencontre des mineurs, des ouvriers du pétrole, des fermiers, des serveuses, des femmes au foyer, des sans-domicile fixe, des prisonniers, des bouchers, des vachers, des serveuses, des manutentionnaires, etc.

Son travail repose sur deux principes techniques essentiels :

  • l’utilisation d’une grande chambre 25cm x 20 cm qui oblige ses sujets poser et exige donc d’ouvrir un dialogue avec eux, par la parole et surtout par l’échange des regards durant la prise de vue,
  • l’usage exclusif de la lumière naturelle pour éclairer ses personnages, sur fond blanc, ce qui signifie un matériel conséquent d’écrans pour réfléchir subtilement la lumière sur ceux-ci.

L’exposition rassemble tous les clichés originaux, en grand format : personnages de face, dans leur tenue de travail ou bien endimanchés, selon leurs souhaits. Contrairement à August Sander qui avait photographié des hommes et des femmes de différents métiers de l’Allemagne dans les années 1920-1930, Richard Avenon n’insiste pas sur les attributs du travail de ses sujets : très peu d’outils significatifs, mais très souvent des vêtements de travail, quelques fois troués et presque toujours tachés par des souillures du pétrole ou de la poussière de charbon.

L’intérêt principal des images se trouve dans trois caractéristiques essentielles :

  • les corps qui sont montrés dans leur usure par le travail et un vieillissement prématuré pour les métiers très physiques,
  • les postures ou les positions des hommes et des femmes qui en disent long à la fois sur leur caractère et peut-être sur les rapports directs qu’ils entretiennent avec leur environnement au travail ou dans la vie quotidienne plus généralement (c’est le principal intérêt des photos des femmes aux foyer, des couples, des sœurs ou des sans domicile fixe),
  • la nature des regards des sujets qui fixent l’objectif, dont on devine en quoi ils sont le résultat des discussions préalables avec le photographe : comme il le dit lui-même, il s’agit de construire une présence du sujet dans l’image.

L’exposition manifeste une connivence revendiquée entre Richard Avedon et ses personnages, quoique, dans quelques photos, on puisse saisir une sorte de condescendance qui marque la distance sociale entre le photographe et son sujet : on s’en doute, il est en général plus facile de saisir l’acte de travail que le travailleur ou la travailleuse eux-mêmes. Car tel est l’enjeu de cette exposition : faire valoir les traces ou plutôt les marques du travail sur les corps, sur les visages ou dans les regards.

Au-delà de l’ouvrage de Richard Avedon rassemblant les 110 clichés, le livre, largement illustré de son assistante, Laura Wilson, renseigne très précisément le lecteur sur les méthodes du photographe (Avedon at Work in the American West, Harry Ransom Center, University of Texas at Austin).

Une exposition à visiter d’urgence donc avant son décrochage prévu le 12 octobre prochain : l’irruption du travail dans les chairs, sans autre artifice, mérite bien un détour de notre propre quotidien…

Jean-Pierre Durand

https://www.henricartierbresson.org/expositions/richard-avedon-in-the-american-west/

Debbie McClendon, 16 ans, Cheyenne, Wyoming

un ouvrier pétrolier

l’usage exclusif de la lumière naturelle pour éclairer ses personnages, sur fond blanc, ce qui signifie un matériel conséquent d’écrans pour réfléchir subtilement la lumière sur ceux-ci.

Exposition Avedon
Les trois sœurs Johnson, ferme Wild Horse, Colorado, pendant une séance de travail

AAA Travail, genre et numérique

Appel à articles

Corpus coordonné par Marion Flécher, Marianne Le Gagneur et Gabrielle Schütz

La sociologie du numérique au travail connaît un dynamisme particulier ces dernières années, qu’il s’agisse d’examiner les effets de l’introduction des outils numériques dans les organisations (Benedetto-Meyer & Boboc, 2021), les transformations du travail et de l’emploi induites par l’essor des plateformes (Abdelnour & Méda, 2019 ; Bernard & Abdelnour, 2018 ; Le Lay & Lemozy, 2025), ou encore le développement de formations et de métiers liés au secteur du numérique (Dupuy & Sarfati, 2022 ; Jammet, 2015 ; Flécher, 2025). Souvent attentives aux logiques de division sociale du travail, ces recherches n’adoptent cependant que trop rarement une approche en termes de genre. À titre d’exemple, la plupart des travaux qui se sont intéressés aux effets du capitalisme numérique se sont concentrés sur des secteurs masculins, comme ceux du transport VTC ou de la livraison qui, à quelques exceptions près (Benvegnù & Bernard, 2023 ; Bernard, 2023), n’ont pas été étudiés au prisme de la division genrée et raciale du travail qui les ont constitués. Les plateformes liées à des secteurs féminisés commencent à peine à faire l’objet d’analyses (Teke-Laurent, 2023 ; Gallot & Koechlin, 2025), alors que leur étude pourrait permettre de « désandrocentrer » (Simonet, 2024) le regard scientifique aussi bien que les débats politiques.

Ce numéro ambitionne ainsi d’étudier les transformations du travail à l’ère du numérique au prisme du genre en s’intéressant aussi bien aux dynamiques à l’œuvre dans le secteur du numérique qu’aux dynamiques produites par le numérique dans d’autres secteurs. Le numérique est ici entendu comme un ensemble d’outils de travail (équipements matériels – smartphones, ordinateurs et tablettes – et non matériels – logiciels de gestion, de communication à distance, outils collaboratifs, applications et plateformes, intelligence artificielle…), mais aussi comme un secteur d’activité (métiers de l’informatique et de la « Tech » au sens large).

Que fait le numérique à la place des femmes ? Peut-il renouveler un travail historiquement marqué par la domination masculine ? Contribue-t-il au contraire à leur exploitation accrue, aussi bien dans la sphère professionnelle que dans la sphère domestique ? Dans quelle mesure les enjeux de transformation de l’emploi et des professions portés par le numérique sont-ils genrés, produisant des effets différenciés pour les femmes et pour les hommes ? Et que dire de la recomposition des activités et des conditions de travail portée par le numérique ? Comment évoluent les rapports sociaux de sexe dans les espaces dématérialisés du travail ? Telles sont quelques-unes des questions qui pourront être abordées dans ce dossier, autour des quatre axes indicatifs suivants. Une approche intersectionnelle, articulant le genre à la position occupée dans les rapports sociaux de classe et de race, sera valorisée.

Les contributions à ce dossier pourront porter l’attention sur les transformations induites par le numérique à une échelle macro-sociologique, en particulier en ce qui concerne la structure sexuée des emplois et des professions. En quoi les dynamiques professionnelles liées au numérique renforcent-elles ou subvertissent-elles les processus ségrégatifs au travail (Chappe, Eberhard et Monchatre, 2024) ?

L’essor du numérique s’accompagne en effet de l’émergence de nouvelles formes d’activités susceptibles de s’institutionnaliser sous la forme de groupes ou de segments professionnels inédits. C’est notamment le cas des activités de création de contenu en ligne (Jourdain, 2018 ; Zabban & Guittet, 2022 ; Michel, 2022) ou des membres des « professions du numérique » (Poty, 2024) comme les développeur·ses web (Krill, 2022). Parallèlement à l’apparition de ces nouveaux métiers, certaines professions plus anciennes se trouvent fragilisées, voire menacées de disparaitre. Les travailleurs et travailleuses de l’art, du graphisme, de l’édition ou de la traduction expriment des inquiétudes croissantes face aux avancées récentes de l’intelligence artificielle générative. Dans quelle mesure cette menace concerne-t-elle des métiers plus féminisés ? Au contraire, les professions masculinisées tirent-elles parti de ces évolutions ? Comment, en somme, le numérique reconfigure-t-il la structure des professions et les hiérarchies symboliques des différents métiers ?

Au sein de professions bien établies, la numérisation des activités peut être à l’origine de processus de masculinisation ou de féminisation. Si le secteur du numérique demeure par exemple un « bastion masculin » peinant à se féminiser (Flécher, 2025), les métiers de l’informatique n’ont pas toujours été dominés par les hommes. Ce n’est que lorsque l’informatique a gagné en importance stratégique dans l’économie mondiale qu’elle est devenue un domaine d’excellence réservé aux hommes (Stevens, 2007). Aussi la masculinisation de ces métiers techniques est-elle allée de pair avec leur revalorisation symbolique et économique, tandis que les femmes, pourtant pionnières dans ce domaine (Collet, 2019 ; Light, 1999 ; Rapkiewicz, 1997), ont progressivement été reléguées à des fonctions périphériques. Au sein de la logistique, les évolutions technologiques sont également allées de pair avec une masculinisation accrue des effectifs (Rivoal, 2021). Observe-t-on dans d’autres secteurs ce type de dynamique ?

Les articles de ce dossier pourront enfin étudier les effets du développement des plateformes numériques sur l’emploi des femmes. Dans des segments historiquement féminisés, tels que l’aide à domicile, la garde d’enfants (Malarmey, 2023), l’hôtessariat (Schütz, 2018) ou les services de nettoyage (Teke, 2021 ; Teke-Laurent, 2023), dans quelle mesure l’arrivée des plateformes contribue-t-elle à une précarisation accrue de l’emploi par la généralisation du travail indépendant et de la sous-traitance, comme dans le secteur masculin des transports ? À l’inverse, les dispositifs numériques ont-ils permis une valorisation de compétences jusque-là invisibilisées ou naturalisées, comme le revendiquent certaines plateformes qui se présentent comme des espaces de reconnaissance et de légitimation de savoir-faire domestiques (Gallot & Koechlin, 2025) ?

Axe 2 : Croiser genre et numérique du point de vue du travail et de l’activité

Sont également attendues dans ce dossier des contributions qui interrogent le devenir du travail et de l’activité en contexte numérique à l’aune des dynamiques de genre. Dans quelles mesures l’introduction d’outils numériques dans les organisations modifie-t-elle la division sexuée du travail ainsi que les conditions de travail des femmes et des hommes ? A-t-elle un impact sur le genre des carrières ?

L’introduction d’outils numériques dans les organisations pose tout d’abord la question de leur appropriation, certaines catégories – comme les femmes, mais aussi les générations qui ne seraient pas des « digital natives » – étant supposées particulièrement démunies face aux évolutions technologiques. Cependant, alors que les femmes ont été historiquement tenues à distance des outils et des techniques les plus sophistiquées (Tabet, 1998), elles ne sont pas à l’écart de la numérisation du travail et constituent bien souvent les « petites mains » de la technologie, qu’il s’agisse d’effectuer le « travail du clic » (Casilli, 2019), ou d’entraîner les algorithmes (Girard-Chanudet, 2023). Comment l’introduction de nouveaux outils numériques fait-elle évoluer le « faisceau de tâches » (Hughes, 1996) des professionnel·les dans différents univers de travail ? Modifie-t-elle la manière dont est perçue la qualification de certaines activités ? Donne-t-elle lieu à des recompositions sexuées des activités par un phénomène de délégation du « sale boulot », au croisement de logiques de genre, de classe et de « race » ?

Par ailleurs, le numérique pose la question de l’évolution des conditions de travail. Présentée par les directions comme « ouvrant le champ des possibles » (Benedetto-Meyer et Boboc, 2019), analysée par un certain nombre de sociologues comme porteuse d’intensification du travail et de nouvelles logiques d’exploitation (Gaborieau, 2012), la « digitalisation » doit être analysée en situation, en articulant ses effets aux inégalités qui lui préexistent. Le développement du télétravail, par exemple, ne rime pas nécessairement avec une intensification ni avec un allongement du temps de travail, mais peut, au contraire, dans certaines configurations, aller de pair avec une meilleure prise sur l’activité. Qu’il s’agisse de charge, de rythme de travail ou d’autonomie temporelle, sa pratique s’inscrit dans des régimes différenciés qui procurent des bénéfices inégaux selon la position occupée au sein des hiérarchies professionnelles et genrées des organisations (Schütz, 2024). Les contributions analysant les effets du numérique sur les conditions de travail dans une perspective de genre attentive aux autres rapports de domination seront ainsi les bienvenues.

Enfin, les contributions pourront évaluer l’effet des outils et dispositifs numériques sur les modalités genrées de réalisation des carrières. La presse s’est par exemple régulièrement faite l’écho de cas d’hommes, ingénieurs dans la Tech, mettant à profit le développement du télétravail pour cumuler plusieurs emplois à l’insu de leur hiérarchie. Réciproquement, le télétravail a souvent été présenté comme une opportunité pour les femmes d’élargir le champ géographique de leur recherche d’emploi. Au-delà d’une rupture avec les contraintes spatio-temporelles, la maîtrise ou la non-maîtrise des outils numériques sont-elles susceptibles d’accélérer ou freiner les carrières au sein des organisations, participant au « plafond de verre » ou au contraire à l’« escalator de verre » (Williams, 1992) ?

Ce numéro entend également appréhender les effets du numérique sur les relations de travail dans une perspective interactionniste. Il s’agira d’analyser la manière dont les relations de travail sont reconfigurées par les outils numériques dans différents secteurs (services, logistique, industrie…), mais aussi d’interroger les modalités selon lesquelles ces relations se redéfinissent au sein même des professions du numérique.

À l’instar de ce qui a été observé dans la grande distribution — où l’introduction des caisses automatiques a profondément transformé les interactions entre client·es et caissier·ères (Bernard, 2014) —, l’usage croissant d’interfaces et de logiciels numériques modifie-t-il la nature des échanges entre professionnel·les et entre professionnel·les et client·es ? Observe-t-on des dynamiques genrées dans la façon dont les outils numériques reconfigurent les relations de travail et les relations de service ? Comment viennent-ils rejouer les rapports sociaux de domination ? Les contributions portant sur les dynamiques sexistes et les violences de genre en lien avec les transformations numériques seront de ce point de vue particulièrement bienvenues. Les outils numériques permettent-ils aux femmes de se soustraire à certaines formes de violences sexistes et sexuelles à l’œuvre sur les lieux de travail traditionnels ? Ou participent-ils à l’émergence de nouvelles formes de domination masculine, tels que le cyberharcèlement ou le sexisme en ligne ? L’introduction de dispositifs numériques dans les organisations de travail soulève en effet des questions cruciales quant à la reconfiguration des rapports sociaux de sexe, des mécanismes de domination masculine et des formes contemporaines que prennent les violences sexistes et sexuelles (VSS).

Si ces enjeux concernent l’ensemble des secteurs professionnels, une attention particulière pourra être portée aux métiers du numérique, où l’entre-soi masculin demeure prégnant. Plusieurs travaux ont mis en évidence le rôle joué par l’humour sexiste et grivois dans les formations informatiques (Collet & Mosconi, 2010 ; Dupuy & Sarfati, 2024), lequel contribue à décourager les jeunes filles à s’engager ou à persévérer dans ces parcours professionnels (Flécher, 2025). Pourtant, les formes concrètes du sexisme et du harcèlement sexuel dans les métiers du numérique restent encore peu documentées. Est-il possible d’identifier une spécificité sectorielle ? Comment les responsables hiérarchiques se saisissent-ils et elles de ces questions ? Et quelles politiques organisationnelles sont effectivement mises en œuvre pour prévenir et sanctionner les VSS ?

Les articles pourront aussi explorer les effets du numérique sur la fabrique des masculinités et des féminités au travail (Rivoal, 2021). Dans le sillage des travaux de Raewyn Connell (2014) qui envisage les identités de genre comme des constructions relationnelles, hiérarchisées et dynamiques, il s’agira de rendre compte de la manière dont ces identités se performent, se négocient et se redéfinissent dans et par les pratiques numériques. Dans quelles mesures le numérique reconfigure-t-il les idéaux virilistes traditionnellement fondés sur la force physique ou l’autorité charismatique ? En quoi la maîtrise des outils numériques constitue-t-elle une nouvelle forme de performance de la masculinité hégémonique (Collet & Mosconi, 2010 ; Rivoal, Bretin & Vuattoux, 2019) ?

Ces redéfinitions numériques de l’activité productive ont également des effets sur le travail domestique. Au sein de l’articulation des temps sociaux (Pizarro Erazo, Viera Giraldo & Landour, 2023) se trouve un ensemble de pratiques mises en œuvre par les individus, pour faire tenir ensemble des activités productives, reproductives ou improductives aux temporalités bien souvent antagonistes. Alors que ces activités incombent encore essentiellement aux femmes, le numérique rebat-il les cartes des arrangements traditionnels ? Si le développement du numérique entraîne plutôt une pression temporelle qu’un accroissement des loisirs et du temps libre (Wajcman, 2015), qu’en est-il du point de vue du temps domestique ? La promesse technologique était déjà celle d’une diminution de la charge incombant aux femmes (pensons au célèbre slogan des années 1960 « Moulinex libère la femme »), mais que fait le tournant numérique à l’articulation des temps sociaux et à l’inégale répartition du travail domestique ?

Les professionnel·les les plus qualifié·es et les plus autonomes disposent de marges de manœuvre que n’ont pas celles et ceux dans des positions d’exécution : cela se traduit pour les premier·es par une flexibilité spatio-temporelle importante dans l’organisation de l’activité professionnelle, le recours à des outils de travail mobile, mais aussi un possible recours à l’externalisation de nombre de tâches. Or, ces possibilités sont non seulement inégalement réparties, mais leurs effets sont aussi ambivalents. Ainsi, le télétravail, fréquemment dépeint comme un outil d’articulation des temps sociaux, peut provoquer une réassignation des femmes au travail domestique et de nouvelles doubles journées (Le Gagneur, 2024). Travailler chez soi et au moyen d’outils numériques, en tant que salarié·e ou indépendant·e, est aussi lié aux configurations familiales. Entreprendre peut ainsi être lié à une volonté féminine de parvenir à articuler les temps sociaux (Landour, 2019).

Les contributions au dossier pourront ainsi analyser comment les professionnel·les (parents ou non) reconfigurent l’articulation de leurs temps sociaux (travail rémunéré, domestique, parental, activités de loisirs ou de care…) au travers de divers arrangements numériques visant à en redéfinir les contours ou à les externaliser (Malarmey, 2023). Elles pourront également, en miroir, s’intéresser aux professionnel·les de l’externalisation (ménage, soin aux enfants, livraisons alimentaires) qui réalisent ce travail. Quelles sont les pratiques numériques mises en œuvre visant à l’articulation des temps sociaux ? Induisent-elles des inégalités ? La traditionnelle division genrée du travail domestique est-elle reconfigurée par le recours au numérique ?

Merci d’adresser les propositions d’article (format Word ou ODT, uniquement) au plus tard le15 janvier 2026, exclusivement à l’adresse mail suivante : nrtravail@gmail.com

Les propositions d’articles ne doivent pas dépasser les 45 000 signes (titre, espaces et bibliographie compris), les métadonnées (noms, institution de rattachement, titres, résumés et mots clés en français et anglais) figurant dans un fichier à part. Les règles de forme sont indiquées sur https://journals.openedition.org/nrt/531

Pour toute demande de renseignements, vous pouvez écrire à : nrtsecretariat@gmail.com

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Bernard Sophie (2014), « Le travail de l’interaction. Caissières et clients face à l’automatisation des caisses », Sociétés contemporaines, vol. 94, n°2, 93‑119.

Bernard Sophie (2023), UberUsés. Le capitalisme racial de plateforme à Paris, Londres et Montréal, Paris, PUF.

Bernard Sophie & Abdelnour Sarah (2018), « Vers un capitalisme de plateforme? Mobiliser le travail, contourner les régulations. Présentation du Corpus », La Nouvelle Revue du Travail, n°24. https://journals.openedition.org/nrt/3797.

Casilli Antonio (2019), En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, Paris, Seuil.

Chappe Vincent-Arnaud, Eberhard Mireille, Monchatre Sylvie (2024), « Dynamiques ségrégatives. Introduction au corpus », La Nouvelle Revue du Travail, n° 24, https://journals.openedition.org/nrt/15957.

Collet Isabelle (2019), Les oubliées du numérique, Paris, Le Passeur éditeur.

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Dupuy Camille & Sarfati François (2024), « “Don’t mess with her”. Des politiques de féminisation inachevées dans une école de la tech », Travail, genre et sociétés, vol. 52, n°2, 117‑133.

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Gaborieau David (2012), « “Le nez dans le micro”. Répercussions du travail sous commande vocale dans les entrepôts de la grande distribution alimentaire », La Nouvelle Revue du Travail, n°1. https://journals.openedition.org/nrt/240

Gallot Fanny & Koechlin Aurore (2025), « Le droit à la formation des travailleurs et des travailleuses de plateformes numériques : le cas de Wecasa », RPN, vol. 1, n°1. https://revue-rpn.fr/article/view/9355

Gaudart Corinne & Volkoff Serge (2022), Le travail pressé : pour une écologie des temps de travail, Paris, Les Petits Matins.

Girard-Chanudet Camille (2023), « “Mais l’algo, là, il va mimer nos erreurs !” Contraintes et effets de l’annotation des données d’entraînement d’une IA », Réseaux, n°240, 111-144.

Gollac Michel (2005), « L’intensité du travail », Revue économique, vol. 56, n°2, 195‑216.

Hughes Everett C. (1996), Le regard sociologique. Essais choisis, textes rassemblés et présentés par Jean-Michel Chapoulie, Paris, Éditions de l’EHESS.

Jammet Thomas (2015), « Au service du client, au nom de la communauté. Une approche ethnographique de l’animation de communautés de marques en ligne », Réseaux, n°190-191, 73-98.

Jourdain Anne (2018), « « Faites de votre passion un métier » », La Nouvelle Revue du Travail, n°13. https://journals.openedition.org/nrt/3870

Krill Mathilde (2022), « “Si quelqu’un m’explique, je vais pas comprendre”. Une formation d’informatique face à la pédagogie de l’autonomie », Cahiers d’histoire du Cnam, vol.15, n°1, 231-256.

Landour Julie (2019), Sociologie des Mompreneurs: entreprendre pour concilier travail et famille ?, Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion.

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Le Lay Stéphane & Lemozy Fabien (2025), Plateformes. La colonisation du travail et de la démocratie, Paris, Éditions de l’Atelier.

Lejeune Guillaume (2018), « Les chauffeurs de taxi face à Uber. Une mise à l’épreuve économique et politique », Politix, vol. 122, n°2, 107‑130.

Light Jennifer S. (1999), « When Computers Were Women », Technology and Culture, vol. 40, n°3, pp. 455‑483.

Malarmey Hélène. (2023), « Déléguer pour mieux articuler. Le recours au service prestataire pour la garde périscolaire », Revue des politiques sociales et familiales, vol. 149, n°4, pp. 91‑107.

Michel Marion (2022), « Vendre sans être une vendue. Écoresponsabilité et mise à distance de la prescription marchande sur les réseaux sociaux numériques », Réseaux, vol. 234, n°4, 95‑125.

Pizarro Erazo Sebastián, Viera Giraldo Valerya & Landour Julie (2023), « Le champ de l’articulation des temps sociaux. Continuités, transformations et résistances », Revue des politiques sociales et familiales, vol. 149, n°4, 3‑13.

Poty Adeline (2023), « Les femmes restent très minoritaires dans les métiers de la transformation numérique et du développement durable », dans Collectif, Emploi, chômage, revenus du travail, Paris, Insee Références, 35-38.

Rapkiewicz Clevi Elena (1997), « Femmes et métiers de l’informatique », Les Cahiers du Genre, vol. 19, 27‑47.

Rivoal Haude (2021), « Quels sont les impacts de l’innovation sur l’égalité professionnelle femmes/hommes ? », Connaissance de l’emploi, n°175, 1-4.

Rivoal Haude, Bretin Hélène & Vuattoux Arthur (2019), « Introduction. Travail et masculinités : quelles transformations ? », Cahiers du Genre, vol. 67, n°2, 5‑24.

Schütz Gabrielle (2018), Jeunes, jolies et sous-traitées : les hôtesses d’accueil, Paris, La Dispute.

Schütz Gabrielle (2024), « Un télétravail aux bénéfices inégaux. La construction organisationnelle de régimes de télétravail différenciés », Sociologie, vol. 15, n°4, 407-425.

Stevens Hélène (2007), « Destins professionnels des femmes ingénieures. Des retournements inattendus », Sociologie du travail, vol. 49, n°4, 443‑463.

Simonet Maud (2024), L’imposture du travail. Désandrocentrer le travail pour l’émanciper, Paris, éditions 10/18.

Tabet Paola (1998), La Construction sociale de l’inégalité des sexes. Des outils et des corps, Paris / Montréal, L’Harmattan.

Teke Nicole (2021), « N’oublie pas de commander la femme de ménage » », dans Savoldelli Pascal (dir.), Ubérisation, et après ?, Bordeaux, Éditions du Détour, 57‑78.

Teke-Laurent Nicole. (2023), « Travailler au service de la flemme ? La marchandisation du ménage par les plateformes numériques », Salariat, vol. 2, n°1, 209‑215.

Wajcman Judy (2015), Pressed for time: the acceleration of life in digital capitalism, Chicago, The University of Chicago Press.

Williams Christine L. (1992), « The Glass Escalator: Hidden Advantages for Men in the “Female Professions” », Social Problems, vol. 30, n°3, 253-267.

Zabban Vinciane & Guittet Emmanuelle (2022), « L’aiguille et l’écran », Techniques & Culture, n°77, 216‑219.

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AAA Corpus n°31

Depuis près d’un demi-siècle, le sport de haut niveau connait une professionnalisation accrue dont les effets sont observables tant à l’échelle des organisations collectives que des trajectoires individuelles. Nombre de travaux de sciences sociales ont choisi d’appréhender ce phénomène en combinant les apports des sociologies du sport et du travail (Bertrand 2012 ; Rasera 2016). Ces contributions ont prouvé tout l’intérêt d’étudier les sportifs et sportives de haut niveau comme des travailleurs et travailleuses à part entière. Ce faisant, ils ont démontré combien, par-delà un marché de l’emploi spécifique (Duhautois, 2017), des modes de valorisation économique particuliers (Schotté, 2016) et une réglementation du travail dédiée (Fleuriel, 2021), ils et elles sont confrontés à des transformations de l’activité productive qui font écho à celles qui traversent le reste de la population active. Un des enjeux de ce numéro est ainsi d’interroger à la fois les particularités des mondes du travail sportif et leurs similitudes avec d’autres univers professionnels, en évitant ainsi de présupposer l’exceptionnalité de l’espace des sports.

Pour ce faire, en se décentrant des sportifs et sportives eux-mêmes, le présent appel à contributions propose de porter l’analyse sur les travailleurs et travailleuses qui soutiennent l’activité des sportifs et sportives de haut niveau – entendus au sens large, et non strictement institutionnel, de celles et ceux qui participent aux grandes compétitions nationales et internationales. À l’instar de l’univers artistique tel qu’étudié par Howard S. Becker (1988), on peut affirmer que la performance sportive relève d’une « production collective » (Schotté, 2022) qui implique et nécessite un important « personnel de renfort », professionnel ou non, assurant une diversité de tâches et porteurs d’une grande variété de savoir-faire et dispositions. Il s’agit ainsi de considérer l’ensemble des acteurs et actrices qui évoluent autour des sportifs et sportives de haut niveau. Cet entourage peut inclure des activités d’une grande diversité, que ce soit l’encadrement organisationnel (présidents, cadres fédéraux, directeurs sportifs, intendants), la préparation physique (préparateurs physiques, kinésithérapeutes, médecins) et psychologique (thérapeutes, préparateurs mentaux, psychologues du sport, coachs), l’accompagnement professionnel (recruteurs, agents, syndicats), ou encore l’ensemble des formes de contrôle de la pratique sportive de haut niveau (arbitrage, antidopage, gestion des organisations).

Si plusieurs axes de réflexion issus de la sociologie du travail et des professions ont déjà été appliqués à ces travailleurs et travailleuses, certaines thématiques et certaines professions ont été peu, voire pas, investies. Cet appel propose quatre axes de réflexion complémentaires afin de mieux cerner le travail de celles et ceux qui participent de l’activité des sportifs et sportives de haut niveau.

            1. Organisation et division du travail

Le premier axe cherchera à comprendre comment s’organise le travail de ces professionnels. Il s’agira ainsi d’étudier la formation de systèmes de travail qui font interagir diverses catégories de travailleurs et travailleuses. Les contributions pourront s’intéresser à la division des tâches, à la définition des hiérarchies ou des rôles au sein des organisations de travail. L’explicitation des dynamiques de collaboration et de concurrence permettra de mettre en lumière comment se définissent « les juridictions professionnelles » (Abbott, 1988) entre des métiers qui n’ont ni la même historicité, ni la même légitimité au sein des mondes du sport. Les contributions pourront également s’attarder sur les différentes échelles auxquelles se déploie l’organisation du travail. Il s’agira alors de questionner la plus ou moins grande distance – opérationnelle, symbolique ou physique – de ces professionnels avec les sportifs. Si certains entretiennent un rapport direct, régulier, voire corporel avec les athlètes, d’autres interviennent à distance. Ces disparités pourront être mises en lien avec la structuration des réseaux professionnels – de recrutement, de formation, de data analyse – qui s’étendent du local au supranational et au sein desquels évoluent des travailleurs et travailleuses au statut d’emploi divers (indépendants, salariés du donneur d’ordre, sous-traitants, travailleurs à la tâche, bénévoles, etc.) et qui disposent de conditions de travail parfois très inégalitaires.

            2. Gestes et pratiques du travail

Un deuxième axe de réflexion s’intéressera à l’ensemble des gestes et des pratiques qui composent les métiers de ces travailleurs et travailleuses. Il s’agira alors de penser les différentes formes d’habileté technique mobilisées en direction des sportifs. Les savoir-faire à investiguer sont multiples. Ils incluent l’ensemble des pratiques orientées vers les corps ou le mental ; mais aussi tout le travail logistique entourant la performance, voire le « travail émotionnel » (Hochschild, 2003) réalisé par l’entourage. Toutefois, il convient de garder à l’esprit que ces gestes n’existent pas de manière isolée. Intégrés à une division du travail, ils sont pensés, réalisés et contrôlés collectivement. Ils connaissent donc d’importantes variations à la fois selon les contextes et dans le temps. Les contributions permettront de comprendre comment la diffusion de nouveaux outils techniques – médicaux, de communication, de mesure de la performance, etc. – a pu transformer en profondeur les pratiques de certains entourages.

            3. Relations professionnelles au sein des mondes du sport

Le troisième axe propose de s’intéresser plus spécifiquement à la question des relations professionnelles. Si certains travaux ont éclairé les ressorts de la mobilisation collective des footballeurs professionnels, cette dimension des mondes professionnels du sport reste encore largement à explorer. Les contributions s’inscrivant dans cet axe pourront ainsi s’intéresser aux formes de négociations individuelles et collectives des contrats de travail, aux logiques de fonctionnement des marchés du travail ou encore aux formes qu’y prennent les rapports sociaux, en étant tout particulièrement attentifs aux dimensions atypiques ou conflictuelles. De même, une attention particulière pourra être portée aux appropriations des conventions collectives, celles du sport, mais aussi celles des professions qui s’y déploient, ainsi qu’aux autres formes de régulation professionnelle (associations, ordres, etc.). Un autre angle de recherche pourra porter sur les formes d’exploitation de la passion et du dévouement particulier qui peut être attendu de ces travailleuses et travailleurs au nom de la « cause du sport ». Les propositions pourront également s’intéresser au fonctionnement des syndicats professionnels ainsi qu’aux spécificités qui caractérisent leurs relations avec les employeurs. Les rapports particuliers au groupe professionnel qu’entraîne l’appartenance au milieu du sport de haut niveau (en termes d’identité professionnelle, de reconnaissance et de légitimité notamment), ainsi que les formes de précarité induites par le caractère événementiel de cet univers, pourront aussi être interrogés. Ces axes de réflexion permettront de penser les formes d’inégalités et les rapports de domination – de classe, de sexe, de race, etc. – qui émaillent les relations professionnelles au sein des mondes du sport.

 4. Dynamiques et trajectoires de professionnalisation

Un quatrième axe cherchera à penser l’articulation entre les dynamiques de professionnalisation d’une discipline sportive et celles des travailleurs et travailleuses qui s’y impliquent, notamment ceux perçus comme « périphériques », étant entendu que la première n’implique pas nécessairement la seconde. Il s’agira alors de décrire des temporalités et des rythmes de professionnalisation différenciés en pensant ensemble les trajectoires individuelles et institutionnelles. La question de la mobilité comme ressort – ou conséquence – des trajectoires de professionnalisation sera à envisager. Pourront également être analysés les tensions et les conflits induits par les situations aux frontières de l’amateurisme et du professionnalisme qui mettent en jeu la définition des missions, de l’engagement et de la place des acteurs. De manière plus classique, l’émergence de diplômes et de formations universitaires ou extra-universitaires comme outils de régulation du marché du travail et des contours de groupes professionnels, visant à être reconnus comme tels, s’insèreront également dans cet axe.

Calendrier et format des propositions

Merci d’adresser les propositions d’article (seulement au format Word ou Odt) au plus tard le 28 février 2026 exclusivement à nrtravail@gmail.com (les demandes d’information sur l’AAA sont à envoyer à la même adresse).

Les propositions d’articles ne doivent pas dépasser les 45 000 signes (espaces et bibliographie compris) ; les métadonnées (noms et rattachements institutionnels, titres, résumés et mots clés, en français et anglais) doivent figurer dans un fichier à part. Les règles de mise en forme sont indiquées sur https://journals.openedition.org/nrt/531

Références bibliographiques mobilisées…

Abbott Andrew (1988), The system of professions:  An essay on the division of expert labor, Chicago, The University of Chicago Press.

Becker Howard (1988), Les Mondes de l’art, Paris, Flammarion.

Bertrand Julien (2012), La fabrique des footballeurs, Paris, La Dispute,.

Duhautois Richard (2017), « Un marché du travail segmenté tout au long de la vie », Connaissance de l’emploi, Centre d’études de l’emploi et du travail.

Fleuriel Sébastien (2021), La Convention collective nationale du sport. Un droit sur mesure, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble.

Hochschild Arlie Russell (2003), « Travail émotionnel, règles de sentiments et structure sociale », Travailler, vol. 9, no1, 19‑49.

Rasera Frédéric (2016), Des footballeurs au travail : au cœur d’un club professionnel, Marseille, Agone.

Schotté Manuel (2016), « “Acheter” et “vendre” un joueur. L’institution du transfert dans le football professionnel », Marché et organisations, n° 27, 149-165.

Schotté Manuel (2022), La Valeur du footballeur. Socio-histoire d’une production collective, Paris, CNRS Éditions.


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