Groupe d’Études et de Recherches Travail, Organisation, Management – Département de Sociologie – Université Omar Bongo

Appel à contributions pour la campagne éditoriale du N°3 Les Cahiers du GERTOM, Juin 2023

Sous la coordination scientifique de Lionel Jacquot, Bertin Yanga Ngary et Bertrand Dimitri Ndombi Boundzanga 

Travailleurs et organisations au 21^e siècle.
De quoi l’évolution du travail est-elle le nom ?

« Comment comparer le travail au début de l’industrialisation avec ce qu’il est devenu aujourd’hui ? » s’interrogeait Mateo Alaluf à l’entame de sa préface à l’ouvrage « Figures du salariat », coordonné par Ali Boulayoune et Lionel Jacquot (2007). Cette question ne se pose-t-elle pas avec d’autant plus d’acuité aujourd’hui au vu des transformations profondes que les travailleurs et les organisations ont connues au cours de ces deux premières décennies du XXI^e siècle ?

Le numéro 3 des Cahiers du GERTOM souhaite porter l’analyse sur les dynamiques contemporaines du travail sous le capitalisme néolibéral (Dardot P. et Laval C., 2009 ; Harvey D., 2014 ; Amable B., 2017). Où vont le travail et les organisations ? Quel est le futur des collectivités qui se constituent autour du travail (Gorman E. et al., 2014) ? Quelles sont les tendances lourdes d’évolution du travail ? Qu’est-ce que travailler au XXI^e siècle veut dire ? Le début du XXI^e siècle serait synonyme de « disruption » (Castells M., 1998  et 1999 ; Reich R., 1993 et 2001 ; Casilli A. et Cardon D., 2015 ; Casilli A., 2019 ; Zeynep T., 2017 ;), tant les évolutions soutenues par les innovations technologiques transforment radicalement les mondes du travail, tant les nouveaux modèles d’organisation qu’engendrent les plateformes numériques, portés en premier lieu par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) rompent avec les formes antérieures de mise au travail et proposent un nouveau régime de mobilisation de la force de travail qui participe de l’émergence des formes renouvelées, voire exacerbées, de sujétion des travailleurs, visant à les mobiliser, et cela à l’écart des régulations actuelles des mondes du travail (Abdelnour S. et Bernard S., 2018).

Il n’y aurait pas, en apparence, de continuité entre les deux siècles qui se succèdent. La rhétorique de la « disruption » donne à voir un nouveau monde du travail qui se dessine où le salariat se réduirait à mesure que le « cybertariat » (Huws U., 2003) que convoquent les technologies numériques se développerait. Dans ce contexte, où est passée la société salariale ? Cette société salariale qui devait toucher l’ensemble des économies et des communautés par le truchement de l’expansion du capitalisme au niveau mondial et devenir le mode de socialisation spécifique de la majorité des populations (Aglietta M., 1997). Le capital-monde – l’extension géographique du capitalisme – ne vient-il pas achopper sur les différentes crises économique, politique, écologique, sanitaire, sociale… qui stoppent par là-même la mondialisation marquée jusqu’à-là par une généralisation du salariat ? Aussi, la société salariale devant réguler les questions de travail, d’emplois, de relations de travail n’entre-t-elle pas en crise ?

Par ailleurs si le salariat reste encore la figure dominante de la relation de travail qui accompagne le capitalisme en ce XXI^e siècle, il n’en demeure pas moins que la montée fulgurante des activités socioéconomiques de subsistance apparaît comme un premier pôle de renouvellement des expériences du travail et de l’emploi dont certaines se maintiennent cependant, de longue date, hors du salariat, notamment dans les économies émergentes et en développement (Ohnsorge F. and Yu S., 2022). De l’autre côté du spectre des pays développés (Big Data Innovation Team Policy & Innovation Transportation Services City of Toronto and University of Toronto Transportation Research Institute, 2019 ; Abraham K. G. and Houseman S.N., 2019 ; Mas A. and Pallais A., 2019 ; Boeri T. and al. 2020), la diagonale qui va de la flexicurité à la “gig economy’’, (Geneslay L. et Michau R., 2019) en passant par l’ubérisation, (Fréry F., 2016) et plus largement l’expansion des “révolutions X.0’’, y compris en Afrique (Anwar M. A. and Graham M., 2022), fait émerger des formes de travail et d’organisation, dont la compréhension ne se réduit pas au vernis des applications et des innovations technologiques qui semble les renouveler.  Ici, une grande diversité des acteurs des activités de subsistance qui travaillent et s’auto-emploient dans des espaces non « conformes » au salariat ; ailleurs, la complexité des relations de l’économie formelle avec le travail et l’emploi hors salariat ; ailleurs encore, l’organisation identifiée au travail présentiel versus le travail à distance et les nouveaux espaces de travail avec l’entre-deux du travail mixte et “l’organisation’’ qu’il induit… Autant de configurations qui floutent les frontières entre la norme et l’informel, aujourd’hui et demain, l’« anté » et l’hyper-technologique. Dans tous les cas, on peut se demander ce que cachent ces nouvelles expériences quant aux dynamiques qui traversent le salariat et les organisations.

La sociologie du travail interroge de longue date les rapports salariaux et les relations professionnelles avec un accent sur les conditions de travail et les normes qui régulent les relations individuelles et collectives sur le marché du travail et de l’emploi. Mais à mesure que le travail se réinvente dans de nouvelles expériences qui elles-mêmes produisent des régimes d’emplois atypiques, les sociologues du travail et l’ensemble des chercheurs dont les travaux portent sur les transformations du travail et ses régulations sont appelés à élargir leurs analyses des formes contemporaines du travail et de l’organisation.

Quelles sont les significations anthropologiques, sociologiques, historiques, juridiques… de ces nouvelles expériences du travail et de l’emploi ? Que signalent-elles ? Quelle place occupent ces expériences dans toutes les transformations au XXI^e siècle ? Quels renouvellements ces phénomènes impliquent-ils dans les programmes scientifiques traditionnels portant sur le travail et les relations professionnelles en sociologie, en économie, en droit, en anthropologie, en histoire, en gestion, en psychologie, en philosophie et dans toutes les autres sciences sociales et humaines ? A quelles lectures nous invitent les transitions et/ou les ruptures portées par le management néolibéral des normes du travail et de l’organisation ?

Ce sont toutes ces questions qu’invite à ouvrir, tant la matière est à l’évidence dense, le numéro 3 des Cahiers du GERTOM.

Les contributions attendues pourront porter sur deux problématiques centrales :

• La première concerne les reconfigurations du travail contemporain et de l’organisation à travers les dynamiques de la société salariale, ce qu’il en est advenu ou en reste ;
• La deuxième renvoie au « nouveau travail » et ses organisations au travers des activités diverses qui se développent en marge des cadres institués du salariat du XX^e siècle.

Dans un cas comme dans l’autre, les contributions interrogeront l’avenir de l’organisation et la place du travail et de l’emploi dans la production du social au sens de la vie collective. Il s’agira aussi de tenir compte des influences des évolutions comme des reculs démocratiques du point de vue de la production des normes du travail et de l’emploi en contexte néolibéral.

Les contributeurs inscriront leur proposition dans l’un des axes suivants :

1. Les reconfigurations des relations d’emploi et/ou des rapports de travail sous le capitalisme néolibéral ;
2. La montée des activités et professions atypiques/émergentes dans les nouvelles formes d’organisation du travail de l’économie informelle, des plateformes, de la gig economy, de l’ubérisation, etc. ;
3. Les dynamiques de travail dans les « nouvelles villes » (africaines notamment) et les innovations sociales d’auto-organisation, d’autoproduction du travail de subsistance, de reproduction de la force de travail.

Bibliographie indicative

Abdelnour S. et Bernard S., 2018, « Vers un capitalisme de plateforme ? Mobiliser le travail, contourner les régulations », La nouvelle revue du travail [En ligne], 13, mis en ligne le 31 octobre 2018. URL : http://journals.openedition.org/nrt/3797

Abraham K. G. and Houseman S.N., 2019, « Making Ends Meet: The Role of Informal Work in Supplementing Americans Income » in The Russell Sage Foundation Journal of the Social Sciences, 5(5): 110–3.

Amable B., 2017, La résistible ascension du néolibéralisme. Modernisation capitaliste et crise politique en France (1980-2020), Paris, La Découverte, Coll. Économie politique.

Anwar M.A. and Graham M., 2022, The Digital Continent Placing Africa in Planetary Networks of Work, Oxford University Press.

Boeri T. and al., 2020, « Solo Self-Employment and Alternative Work Arrangements: A Cross-Country Perspective on the Changing Composition of Jobs », Journal of Economic Perspectives-Vol. 34, Number 1-Winter 2020-, pp.170–195.

Boulayoune A., et L. Jacquot, 2007, Figures du salariat. Penser les mutations du travail et de l’emploi dans le capitalisme contemporain, Paris, L’Harmattan, Coll. Forum IRTS de Lorraine.

Castells M., 1998, L’ère de l’information, Vol 1. La société en réseaux, Paris, Fayard.

Castells M., 1999, L’ère de l’information, Vol 3. Fin de millénaire, Paris, Fayard.

Casilli A. et Cardon D., 2015, Qu’est-ce que le digital labor ?, Paris, Ina Editions.

Casilli A., 2019, En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic, Paris, Seuil.

Dardot P. et C. Laval, 2009, La nouvelle raison du monde, Paris, La Découverte.

Etoughé-Efé J.-E. (dir), 2020, Les questions du travail dans la société gabonaise contemporaine, Paris, L’Harmattan.

Etoughé-Efé J.-E., 2017, « De la problématique du concept de « travail décent » dans un contexte de précarité de l’offre d’emploi : cas des femmes gabonaises », Revue du Cames, n°8, pp. 91-106.

Etoughé-Efé J.-E., 2010, La restauration informelle en Afrique subsaharienne. Sociologie d’une dépendance, Paris, L’Harmattant, Coll. Etudes africaines.

Fréry F., 2016, « Ubérisation de l’entreprise » in Saussois J.M. et al., Les organisations, Editions Sciences Humaines, pp. 311-315.

Geneslay L. et Michau R., 2019, Les Robots n’auront pas notre peau, Paris, Dunod.

Gorman E. et al., 2015, « Symposium on the future of Organizational Sociology », “Work in progress’’ in American Sociological Association, August.

Harvey D., 2014, Brève histoire du néo-libéralisme, Paris, Les Prairies ordinaires.

Huws U., 2003, The Making of a Cybertariat: virtual Work in a Real World, Monthly Review Press.

Mas A. and Pallais A., 2020, « Alternative Work Arrangements » in Annual Review of Economics, 12 (1) : 631-658.

Ohnsorge F. and Yu S., 2022, The long shadow of informality : challenges and policies, World Bank, Washington, DC.

Reich R., 1993, L’économie mondialisée, Paris, Dunod.

Reich R., 2001, Futur parfait : Progrès technique, défis sociaux, Paris, Pearson.

Yanga Ngary B., 2008, La modernisation quotidienne au Gabon. La création de toutes petites entreprises, Paris, L’Harmattan.

Zeynep T., 2017, Twitter and tear gas: the power and fragility of network protest, New Haven, Yale University Press.

Correspondants :

Bertin Yanga Ngary, b.yangangary@yahoo.fr

Bertrand Dimitri Ndombi Boundzanga, bbdndombi@gmail.com

Djeneric Saka Alandji, sakaalandji@ymail.com

Calendrier

La date limite pour déposer la version 1 des articles est fixée au 31 janvier 2023.

Un retour sera fait aux contributeurs pour le 28 février 2023.

La version 2 (papier définitif) est attendue au plus tard le 31 mars 2023.

Publication, juin 2023.

Les propositions de contribution (50 000 signes espaces et bibliographie compris) sont à envoyer à  sakaalandji@ymail.com

L’AAA en PDF : Appel_articles_n3_LesCahiersDuGERTOM

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